Dégradation de l’état de Big Brother

By on juillet 15, 2010

Au conseil municipal du 24 juin 2010 figure à l’ordre du jour le point « Versement d’un fonds de concours à la Communauté d’agglomération de la vallée de Montmorency (Cavam) pour l’extension du réseau de vidéoprotection – ajout de deux caméras en wi-fi ». Ce sera la première fois que les conseillers municipaux de Soisy auront l’occasion d’exprimer leur point de vue sur la vidéosurveillance. Ils pourront s’exprimer mais cela ne changera strictement rien, puisque ce système de vidéosurveillance est déjà en place à Soisy et dans la communauté d’agglomération depuis plusieurs années.

Qu’une décision de cette importance, engageant des sommes considérables et posant de graves problèmes de société, puisse être prise sans même que le conseil municipal ait été consulté est particulièrement inquiétant. Surtout pour un problème touchant aux libertés fondamentales, comme le rappelle en permanence la Ligue des droits de l’homme (LDH). M. Strehaiano, grand concepteur du système, se protège en déclarant qu’il existe un comité d’éthique chargé de veiller à la bonne application des textes réglementaires et à prévenir toute dérive dangereuse pour les libertés. Mais, en deux ans, ce comité d’éthique n’a été réuni qu’une seule fois (le 5 février 2009), séance au cours de laquelle il n’a fait qu’examiner quelques papiers administratifs, alors que, pour pouvoir réellement tenir son rôle protecteur, ce comité d’éthique devrait évidemment être doté d’un véritable pouvoir de contrôle de l’activité du centre de surveillance urbain (CSU) se trouvant à Montmorency.

Si encore cette inquiétude quant aux libertés s’accompagnait d’une amélioration, aussi minime soit-elle, de la sécurité des citoyens ! Mais ce n’est évidemment pas le cas. Pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre que, quand on met une caméra quelque part, l’essentiel des délits se commettront désormais hors champ des caméras, sans compter qu’il n’y a rien de plus facile que de se rendre non-identifiable par une caméra. Et qu’il ne suffit pas que le délit ait été filmé pour qu’il y ait un homme qui voit le délit se commettre (dans le meilleur des cas les surveillants du CSU ne voient en même temps que le tiers des images), et encore moins pour qu’un homme décide d’une intervention physique qui mettra de toutes façons au mieux plusieurs minutes à être sur place une fois que tout sera fini. Le terme de vidéoprotection utilisé par ses défenseurs est donc de plus une escroquerie intellectuelle.

Parce que les seuls « succès » que la vidéosurveillance puisse mettre à son actif, c’est une aide à la résolution d’enquêtes en recoupant ses informations avec des moyens d’investigation traditionnels. Et ces cas ne représentant que quelque chose d’infinitésimal du point de vue statistique, il est évident que tout l’argent dépensé ainsi serait plus efficace dans la mise en place d’une police de proximité effectuée par des humains.

Le simple fait que le maire de Soisy demande aujourd’hui d’ajouter deux caméras à la centaine existante est l’aveu de l’échec de la vidéosurveillance. Il faudra toujours rajouter plus de caméras pour essayer de couvrir le plus de terrain possible et il faudra embaucher de plus en plus de personnes pour regarder ces caméras, alors que ces personnes seraient autrement plus utiles sur la voie publique. La Grande-Bretagne, pionnière en matière de vidéosurveillance, vient de s’apercevoir de son erreur et va faire machine arrière. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que la Cavam fasse de même ?

Tribune d’expression publiée en juillet 2010 dans le n°141 du Soisy Magazine.

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